Lire ou courir ?!
Pourquoi faudrait-il choisir ?!

Il est commun d’opposer Sport et Culture !

Les pourfendeurs du sport ne manqueront pas de nous rappeler les difficultés de tel coureur cycliste avec les expressions françaises courantes ou les commentaires peu profonds de tel joueur de foot !
N’oublions pas que la première chose demandée à un sportif de haut niveau est en priorité d’atteindre les objectifs fixés par les sponsors, les fédérations et également de répondre aux attentes du public. Qu’il éprouve des difficultés à conjuguer le verbe courir au plus-que-parfait du subjonctif ne représente pas un frein pour sa carrière…

Nous avons souvent tendance à assimiler la Culture à l’érudition, au savoir, à une certaine forme d’élitisme alors que celle-ci se doit de rayonner à travers le monde et participe de la vie d’un pays, d’une région etc.

Le sport et son histoire font corps avec la Culture d’un pays, d’un continent ou d’une civilisation comme celle de la Grèce antique qui est à l’origine des Jeux Olympiques.
Le football comme la capoeira sont indissociables de la culture Brésilienne, le rugby de l’Angleterre, le ski de fond des pays nordiques, les arts martiaux des pays asiatiques et les jeux de pelote du pays basque. Même la pétanque ne peut être dissociée d’une culture régionale.

Le sport dans son esprit noble et sa tradition nous raconte une histoire et nous parle.
Je ne peux m’empêcher de citer l’anecdote de Peter Sagan, ce facétieux sprinter du dernier Tour de France. Alors qu’il escaladait le Tourmalet, (pas de tout repos pour un sprinter), il a réalisé la prouesse de saisir des mains d’un de ses supporters son dernier livre (Mon Monde) et de le dédicacer tout en continuant de gravir le col !

Bravo l’artiste.

Cela nous ramène donc au titre de cette rubrique, Lire ou Courir, doit-on choisir ?

Je vous propose si cela vous convient une rubrique régulière pour vous faire partager un coup de cœur parmi mes lectures.
L’objectif est de présenter un livre d’ écrivain.e connu.e dans le monde littéraire où le sujet traiterait en filigrane de la course à pied, voire de la marche mais écrit différemment des ouvrages autobiographiques de sportifs.

MON PREMIER COUP DE CŒUR :

Le cœur du pélican de Cécile Coulon

Éditions Viviane Hamy

Cécile Coulon est une jeune écrivaine de vingt-quatre ans lorsqu’elle publie ce livre en 2015 ; elle écrit également de la poésie ; elle est dynamique, agréable à écouter et la course à pied reste pour elle un marqueur fort de son parcours personnel.

En 2016, elle prépare sa thèse dont le sujet est Le Sport et le corps dans la
littérature française contemporaine.

« Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux
qui essayent. »  

Cette dédicace est de Cécile Coulon. Elle l’a rédigée à l’attention de
son éditrice, Viviane Hamy, lors de la sortie de ce livre.
Nous voilà prévenus ! Cécile Coulon est une fonceuse et ses principes de vie sont tout à la fois sportifs et littéraires !

cecile coulon

Mon résumé de ce le livre running:

« Le monde ne comprendra jamais que les grands hommes ne sont pas ceux
qui gagnent, mais ceux qui n’abandonnent pas quand ils ont perdu » (page
154).

Anthime, ce fils de bonne famille, bien éduqué, poli, discret débarque avec ses parents dans une nouvelle ville et bien sûr dans un nouveau collège. La cérémonie d’accueil de la famille organisée par les voisins est un grand moment d’ironie cynique !
Pour se faire admettre notre jeune Anthime se doit d’être différent ; et il l’est ! Il court vite, très vite !
Ses performances de haut niveau ne laissent pas indifférent ; il est coaché par un ancien sportif frustré, alcoolique qui pense avoir trouvé l’oiseau rare, ce fameux Pélican capable se s’arracher le cœur pour nourrir ses petits !

Tout va trop vite et Anthime au seuil des championnats de France du 800 m se blesse gravement et définitivement !
La dégringolade est fulgurante ! Il est rejeté ; on brûle celui que l’on a adoré !
Il plonge dans la mélancolie, la médiocrité, épouse cette « conne de Joanna »par dépit ou défaut ; ils ont des enfants, un pavillon avec une superbe terrasse…et cette femme qui l’étouffe par peur.

Il boit, il grossit ; mais un élément déterminant, une rencontre vont le faire rebondir ; il se remet en question, s’entraîne comme un forçat ; il veut prendre sa revanche vis-à-vis de tout le monde. Il se prépare à un tour de France en courant avec la complicité de sa sœur bien- aimée (relation ambiguë mais subtilement entretenue par l’auteure).

Tout ne se passe pas bien sûr comme prévu !

Nous arriverons à une conclusion assez glaçante mais pour ma part parfaitement lucide. L’auteure nous interroge sur notre capacité à ériger des statues aux idoles et à les déboulonner aussi rapidement, sur le libre arbitre des parents qui n’osent pas interrompre cette course infernale vers une pseudo- gloire de leur enfant sans toujours en appréhender le prix à payer, et également sur notre capacité à rester maître de notre destin ou à le subir.

En conclusion, un livre qui décoiffe, un style dynamique, fonceur avec de vraies interrogations, des phrases courtes qui donnent ce rythme du 800 m au livre, une écriture riche et particulièrement agréable, un ouvrage qui peut se lire comme un policier, mais également comme un roman sociologique!

Un livre running de notre époque à ne pas manquer.

En vente (format livre de poche ou relié) dans toutes les bonnes librairies
…indépendantes.

Si vous êtes friand de découverte, pleins de jolies marathons à découvrir : Los Angeles, Edimbourg, Malte, Reykjavik